COUR DE CASSATION CREDIT EN FRANCS SUISSES

CIV. 1                                                                                                                                                   LG


COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 juillet 2018
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt no 748 F-D
Pourvoi no C 17-19.873



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE,
a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la caisse régionale de Crédit
agricole mutuel de Lorraine, dont le siège est 56-58 avenue André Malraux,
                                         57000 Metz,
                                         contre l'arrêt no RG : 15/00427 rendu le 6 avril 2017 par la cour d'appel de                                            Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société L'Anneau,                                             société à responsabilité limitée, dont le siège est 2 E allée du parc des                                                     couvents, 57950 Montigny-lès-Metz,
                                         défenderesse à la cassation ;
                                         La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de                                                 cassation annexés au présent arrêt ; 
                                         Vu la communication faite au procureur général



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LA COUR, en l'audience publique du 12 juin 2018, où étaient
présents : Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur,
Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Legoherel, avocat général
référendaire, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations et les
plaidoiries de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la caisse
régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine, de la SCP Boré,
Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société L'Anneau, l'avis de
Mme Legoherel, avocat général référendaire, à la suite duquel le président
a demandé aux avocats s’ils souhaitaient présenter des observations
complémentaires, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 6 avril 2017), que, par acte
authentique du 22 mars 2007, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel
de Lorraine (la banque) a consenti à la société L'Anneau (l'emprunteur) un
prêt immobilier portant sur la contre-valeur en francs suisses de la somme
de 525 000 euros, remboursable en cent échéances trimestrielles, soit, au
titre des intérêts de l'anticipation, huit échéances de la contre-valeur en
francs suisses de la somme de 3 642,19 euros et, au titre du capital et des
intérêts, quatre-vingt-dix-neuf échéances de la contre-valeur en francs
suisses de la somme de 7 297,47 euros et une échéance de la contre-valeur
en francs suisses de la somme de 7 297,15 euros ; que, prétendant avoir été
démarché et invoquant une faute de la banque, l'emprunteur l'a assignée en
annulation du contrat de crédit et en indemnisation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de
non-recevoir tirée de la prescription de la demande de nullité du prêt fondée
sur l'obligation de remboursement en francs suisses, alors, selon le moyen :
1o/ que l'effet interruptif de prescription attaché à une demande
en justice ne s'étend pas à une seconde demande différente de la première
par sa cause, à moins que l'une et l'autre aient le même objet parce qu'elles
poursuivent un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement
comprise dans la première ; que, pour décider, en l'espèce, que l'assignation
du 29 février 2012 avait « interrompu la prescription de la demande en nullité
du prêt quel qu'en soit le fondement », l'arrêt attaqué retient qu'en sollicitant
successivement la nullité du prêt pour violation des règles sur le démarchage
et l'annulation du prêt en raison de l'illicéité de l'obligation de remboursement
en francs suisses, l’emprunteur, demandeur, n'avait formulé, en réalité,
qu'« une seule et même prétention d'annulation du prêt », dès lors que l'objet
de ces demandes était « identique », et qu'il avait ainsi « simplement, par
conclusions déposées le 3 avril 2014, invoqué des moyens supplémentaires
afin d'étayer sa prétention initiale » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs



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radicalement inopérants, dès lors qu'ils n'établissaient pas que la demande
de nullité fondée sur la stipulation d'une clause monnaie étrangère illicite
formée par l’emprunteur le 3 avril 2014 était virtuellement comprise dans sa
demande formée le 29 février 2012 en vue du prononcé de la nullité du prêt
pour violation des règles sur le démarchage, la cour d'appel n'a pas
légalement justifié sa décision au regard de l'article 2241 du code civil,
ensemble l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à
l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2o/ qu'en tout état de cause, si l'anéantissement du contrat par
son annulation constitue l'objet immédiat d'une action en nullité fondée sur
l'illicéité d'une de ses clauses, cette nullité, qui n'est prévue par aucun texte,
ne constitue pas l'objet immédiat d'une action fondée sur les règles
sanctionnant des actes de démarchage illicite ; que, pour rejeter la fin de
non-recevoir fondée sur la prescription de la demande de nullité du prêt
fondée sur l'obligation de remboursement en francs suisses, l'arrêt retient
que l'objet de cette demande, formée par l’emprunteur devant le tribunal par
conclusions du 3 avril 2014, était identique à celui de la demande dont ils
l'avaient saisi initialement, par assignation du 29 février 2012, sur le
fondement des règles sanctionnant le démarchage illicite, et en déduit que
« l'assignation du 29 février 2012 avait interrompu la prescription de la
demande en nullité du prêt quel qu'en soit le fondement » ; qu'en statuant
ainsi, cependant que les deux demandes formées, par l’emprunteur, l'une en
vue de faire sanctionner des actes de démarchage illicite, l'autre en vue de
prononcer la nullité du prêt pour illicéité d'une de ses clauses, n'avaient pas
le même objet et ne pouvaient constituer « une seule et même prétention
d'annulation du prêt », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences
légales de ses propres constatations, a violé l'article 2241 du code civil,
ensemble l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à
l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu que si, en principe, l'interruption de la prescription
ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les
deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même
but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ;
Et attendu qu'ayant relevé que l'emprunteur avait, le
29 février 2012, assigné la banque en nullité du prêt en se prévalant de
l'illicéité du démarchage, puis, par des conclusions déposées le 3 avril 2014,
demandé au tribunal de prononcer la nullité du prêt en raison de l'obligation
de remboursement en francs suisses, et retenu qu'il s'agissait d'une seule
et même prétention d'annulation du prêt et que l'objet des demandes visant
à obtenir le prononcé de la nullité du prêt était identique, la cour d'appel en
a exactement déduit que l'assignation avait interrompu la prescription de la
demande en annulation du prêt, quel qu'en ait été le fondement ; que le
moyen n'est pas fondé ;



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Sur le deuxième moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité
du prêt, alors, selon le moyen :
1o/ que, dans l'ordre interne, un contrat de prêt ayant pour objet
la contre-valeur en francs suisses d'une certaine somme en euros et
remboursable par des échéances égales à la contre-valeur en francs suisses
de certaines sommes en euros est valable dès lors que l'emprunteur
conserve la faculté d'acquitter sa dette dans la monnaie légale ; qu'en
l'espèce, après avoir constaté que le crédit consenti par la banque à
l’emprunteur portait sur la contre-valeur en francs suisses d'une certaine
somme d'argent en euros et que son remboursement devait s'effectuer dans
cette devise, « soit par l'utilisation de devises préalablement disponibles sur
le compte devises de l'emprunteur », soit, « par l'achat de devises
nécessaires par le biais de son compte en euros conformément à la clause
intitulée remboursement du capital », l'arrêt, pour annuler le contrat de prêt
sous prétexte qu'il aurait abrité une clause espèces étrangères illicite, retient
que « l'acquisition impérative de devises par le biais du compte en euros de
l'emprunteur faute de devises sur le compte correspondant démontre que le
prêt n'était remboursable qu'en monnaie étrangère, car si le prêt avait pu
être remboursé en euros, il aurait suffi de débiter le compte en euros de
l'emprunteur sans que celui-ci ait à supporter l'achat de devises et l'opération
de change correspondante » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la charge
du coût de l'opération de change réalisée par la banque en cas de
remboursement du prêt ou de ses échéances par débit du compte en euros
de l'emprunteur était inhérente à l'objet du prêt, libellé en devises étrangères,
la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à établir qu'en
l'espèce, l'emprunteur n'aurait pas eu le droit de se libérer à son choix en
euros mais devait impérativement le faire en francs suisses, n'a pas
légalement justifié sa décision au regard de l'article 6 du code civil ;
2o/ que le juge ne peut dénaturer le sens et la portée de l'écrit
qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, le contrat de crédit « opération devise
MLT » souscrit par l’emprunteur disposait, au titre du « remboursement du
capital », que « le remboursement s'opérera à chaque échéance par l'achat
de devises au comptant sur le marché des changes », le prêteur portant
« alors la contre-valeur en euros au débit du compte de l'emprunteur »,
d'autre part, « au titre du remboursement anticipé », que « les
remboursements anticipés s'effectueront dans la devise figurant dans l'offre
par l'utilisation de devises préalablement disponibles sur le compte en
devises de l'emprunteur ou, à défaut, par achat de devises au comptant ou
à terme, par débit du compte en euros de l'emprunteur » ; qu'en estimant
que ces dispositions imposaient « dans tous les cas » à l'emprunteur « un
remboursement en monnaie étrangère », cependant que l'acquisition
impérative de devises pour rembourser le prêt n'affectait pas la faculté de



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l'emprunteur de payer sa dette en euros, faculté que les termes clairs et
précis des clauses susvisées lui offraient nécessairement dès l'instant où les
sommes destinées à cet achat étaient débitées sur son compte en euros, la
cour d'appel, qui en a dénaturé le sens et la portée, a violé l'article 1134 du
code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3 o/ qu'en tout état de cause, dans un prêt ayant pour objet une
devise étrangère, l'inscription, au débit du compte en euros de l'emprunteur,
de la contre-valeur en euros du montant mis à sa disposition par le prêteur
dans cette devise, en vue de l'achat par la banque de devises au comptant
ou à terme, éteint la créance de la banque et libère le débiteur ; qu'en
l'espèce, pour annuler le contrat de prêt litigieux, l'arrêt attaqué retient que
« l'acquisition impérative de devises par le biais du compte en euros de
l'emprunteur faute de devises sur le compte correspondant démontre que le
prêt n'était remboursable qu'en monnaie étrangère, car si le prêt avait pu
être remboursé en euros, il aurait suffi de débiter le compte en euros de
l'emprunteur sans que celui-ci ait à supporter l'achat de devises et l'opération
de change correspondante » ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant
constaté que l'objet du prêt avait été libellé en francs suisses, ce dont il
résultait que son remboursement par débit du compte en euros de
l'emprunteur du montant nécessaire à l'achat de devises valait paiement de
la créance de la banque, et qu'un tel paiement, dans cette occurrence, était
bien effectué dans la monnaie légale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses
propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient, a violé les
articles 1134 et 1243 du code civil, dans leur rédaction antérieure à
l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le contrat litigieux est un
contrat interne, que le crédit, désigné sous l'intitulé « opération devise
MLT », porte sur la contre-valeur en francs suisses d'une certaine somme
en euros, qu'il est remboursable par des échéances égales à la contre-valeur
en francs suisses de certaines sommes en euros, que le remboursement
s'opère à chaque échéance par l'achat de devises au comptant sur le
marché des changes, le prêteur portant la contre-valeur en euros au débit
du compte de l'emprunteur, et que le contrat stipule que le risque de change
est supporté en totalité par celui-ci ; qu'il relève que le paiement des
échéances, libellées en francs suisses, doit être opéré en devises, soit par
l'utilisation de celles figurant au compte ouvert au nom de l'emprunteur, soit
par le biais d'un achat ; que, de ces constatations et énonciations, la cour
d'appel a souverainement déduit, sans dénaturation et abstraction faite du
motif surabondant critiqué par la deuxième branche, que l'acquisition
impérative de devises par le biais du compte en euros de l'emprunteur faute
de devises sur le compte correspondant, démontrait que le prêt n'était
remboursable qu'en monnaie étrangère ; que le moyen n'est pas fondé ;


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Sur le troisième moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de limiter la
condamnation de l'emprunteur à lui payer la somme de 525 000 euros, alors,
selon le moyen :
1o/ qu'en application de l'article 624 du code de procédure
civile, la censure prononcée, sur le fondement du premier moyen, du chef de
l'arrêt ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la
demande de nullité du prêt fondée sur l'obligation de remboursement en
francs suisses, ou, sur le fondement du deuxième moyen, du chef de l'arrêt
prononçant la nullité du prêt, entraînera, par voie de conséquence, celles de
ses dispositions statuant sur les conséquences de l'annulation du prêt ;
2o/ que la nullité d'un contrat de prêt dont l'objet a été défini en
monnaie étrangère impose à l'emprunteur de restituer au prêteur le montant
du principal stipulé et mis à sa disposition dans la devise de l'emprunt, ou sa
contre-valeur en euros au jour de la restitution ; qu'en décidant, en l'espèce,
que l’emprunteur n'était redevable, au titre des restitutions consécutives à
l'annulation du prêt, que des fonds « inscrits sur son compte en euros pour
un montant total non contesté de 525 000 euros », après avoir pourtant
constaté que le contrat de prêt litigieux « portait sur la contre-valeur en
francs suisses d'une certaine somme en euros selon le contrat » et que les
avis de mise en place du crédit mentionnaient que les fonds inscrits sur le
compte en euros de l'emprunteur correspondaient à « la contre-valeur en
euros d'une somme en francs suisses par suite d'une opération préalable de
change faite par la banque », ce dont elle aurait dû déduire que la banque,
ayant mis à disposition de l'emprunteur une somme libellée en francs
suisses, et non pas une somme en euros indexée sur le Franc suisse, était
fondée, consécutivement à l'anéantissement rétroactif du prêt, à obtenir la
restitution du montant principal du prêt dans cette devise, ou sa
contre-valeur en euros au jour de la restitution, la cour d'appel a violé le
principe selon lequel ce qui est nul est réputé n'avoir jamais existé ;
3o/ que l'obligation de restituer les fonds prêtés inhérente à un
contrat de prêt annulé demeure tant que les parties n'ont pas été remises en
l'état antérieur à la conclusion de leur convention anéantie ; que, pour
décider que l'annulation du prêt imposait à l'emprunteur de restituer, non pas
des francs suisses éventuellement convertis en euros en fonction du cours
du change en vigueur au jour de la restitution, mais le quantum des sommes
inscrites sur son compte en euros lors de la mise à disposition, l'arrêt
attaqué, après avoir énoncé que « le contrat de prêt étant nul dans son
ensemble, il n'y a pas lieu de s'attacher, pour déterminer la restitution due
par l'emprunteur, aux stipulations du contrat, puisque celui-ci est censé
n'avoir jamais existé et qu'il ne saurait donc être donné effet à l'une



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quelconque de ses clauses », en déduit « qu'il suit de là que, quand bien
même le prêt porte sur la contre-valeur en francs suisses d'une somme en
euros selon le contrat, cette circonstance est indifférente au regard du
régime des restitutions, qui s'apprécie en fonction des prestations reçues de
part et d'autre, soit pour l'emprunteur, compte-tenu de la somme qu'il a
perçue » ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que le crédit
consenti par la banque à l’emprunteur « portait sur la contre-valeur en francs
suisses d'une certaine somme en euros, assorti d'un taux d'intérêt révisable
et remboursable par des échéances égale à la contre-valeur en francs
suisses de certaines sommes en euros », ce dont il s'évinçait que l'obligation
de remboursement inhérente au contrat de prêt annulé portait sur un
quantum de francs suisses et qu'il en allait, partant, nécessairement de
même de l'obligation de restitution que l'annulation du prêt avait laissé
subsister, sans en affecter l'objet, la cour d'appel a derechef violé, par fausse
application, le principe selon lequel ce qui est nul est réputé n'avoir jamais
existé ;
4 / que o les avis de mise en place du crédit en devises
mentionnaient que chacune des sommes portées au crédit du compte de
l'emprunteur par suite d'une opération préalable de change faite par la
banque constituait « la contre-valeur nette », en euros, d'un certain montant
défini en Francs suisses ; qu'en retenant que cette somme en francs suisses
ne pouvait « représenter la mesure de l'obligation de restitution de la SARL
L'Anneau », dès lors que « la mise à disposition des fonds entre les mains
de l'emprunteur traduite par l'inscription en compte » avait été « faite en
euros » et que l'obligation de restitution ne portait que sur ce qui avait « été
versé et reçu, soit le quantum des euros perçus par la SARL L'Anneau », là
où il résultait des termes clairs et précis des avis de mise en place du crédit
que le quantum des euros perçus par l'emprunteur constituait la
contre-valeur en euros d'une somme libellée en francs suisses et que c'est
donc cette somme libellée en francs suisses qui lui était remise par la
banque, la cour d'appel les a dénaturés et a violé l'article 1134 du code civil,
dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu, d'abord, que, la cassation de l'arrêt n'étant
prononcée ni sur le premier ni sur le deuxième moyen, le grief tiré d'une
annulation par voie de conséquence est sans portée ;
Attendu, ensuite, que l'arrêt énonce que l'annulation du contrat
de prêt implique de remettre les parties dans la situation où elles se
trouvaient avant l'acte et qu'ainsi, l'emprunteur est tenu de restituer à la
banque les fonds crédités en sa faveur sur son compte en euros ; qu'il relève
que, si les avis de mise en place du crédit mentionnent que chaque somme
libérée est, par suite d'une opération de change effectuée par la banque, la
contre-valeur en euros de sommes en francs suisses, ces montants en



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devises ne sauraient représenter la mesure de l'obligation de restitution, dès
lors que la mise à disposition des fonds entre les mains de l'emprunteur a
été faite en euros ; que, de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel
a, hors toute dénaturation, exactement déduit que l'obligation de restitution
de l'emprunteur ne portait que sur le quantum des euros perçus de la
banque ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de
Lorraine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les
demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre
civile, et prononcé par le président en son audience publique du
onze juillet deux mille dix-huit.



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MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux
Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée
de la prescription de la demande de nullité du prêt fondée sur l’obligation de
remboursement en francs suisses ;
Aux motifs que « aux termes de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet
du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces
prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions
en défense. Toutefois, l’objet du litige peut être modifié par des demandes
incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions par un lien
suffisant. Selon l’article 5 du même code, le juge doit se prononcer sur tout
ce qui est demandé et seulement sur ce qui demandé. Il résulte de manière
constante de ces dispositions qui organisent le principe du dispositif que le
juge est tenu d’examiner les demandes dans l’ordre fixé par les parties.
Toutefois, cette règle suppose que les demandes principales et subsidiaire
soient distinctes. La prétention correspond à ce qui est réclamé par une
partie et se différencie des moyens qui sont des éléments de fait et de droit
venant au soutien de la prétention. S’agissant d’une seule et même
prétention formée par une partie, le juge qui, en vertu de l’article 12 du code
de procédure civile, tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui
sont applicables, peut apprécier les moyens qui sont développés pour étayer
la prétention sans être tenu par leur ordre de présentation dès lors que les
moyens ainsi présentés, même hiérarchisés, tendent exactement et
directement au même but. En l’espèce, la SARL L’Anneau sollicite à titre
principal le prononcé de la nullité pour violation de règles sur le démarchage
bancaire et financier puis, demande à la Cour, à titre subsidiaire, de la
prononcer en raison de l’illicéité du prêt résultant de l’obligation de
remboursement en francs suisses. Ce faisant, il forme une seule et même
prétention d’annulation du contrat qui est fondée sur des moyens distincts
visant directement le même objectif d’annulation. Partant, la cour examinera
d’abord la prétention en ce qu’elle est fondée sur l’existence d’une obligation
de paiement en monnaie étrangère, d’autant plus que la nullité d’une telle
clause doit être relevée d’office par le juge. Cela suppose de statuer sur la
fin de non-recevoir soulevée à ce titre par le Crédit agricole avant d’apprécier
le mérite du moyen en cas de rejet de la fin de non-recevoir. Sur la fin de
non-recevoir tirée de la prescription de la demande de nullité du prêt fondée
sur l’obligation de remboursement en francs suisses : sous l’empire de la loi
antérieure à celle du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en



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matière civile, les actions en nullité des actes conclus entre commerçants ou
des actes mixtes relevaient de la prescription décennale prévue par
l’article L. 110-4-I du code de commerce si elles n’étaient pas soumises à
des prescriptions plus courtes. Ce délai de prescription s’appliquait aux
demandes en nullité absolue. Il a été réduit à cinq ans par la loi précitée du
17 juin 2008. L’article 26 II de cette loi prévoit que les dispositions de la loi
qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à
compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale
puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. En l’espèce, le prêt
litigieux conclu entre le Crédit agricole et la SARL L’Anneau est un acte
conclu entre commerçants. Le délai de dix ans a commencé à courir à
compter de la date de conclusion du prêt et n’était donc pas expiré au jour
de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, le 19 juin 2008, de telle sorte que
le nouveau délai de cinq ans a alors couru pour se terminer le 19 juin 2013,
la durée totale n’ayant pas excédé la durée de dix ans prévue par la loi
ancienne. Ainsi, la demande devait être formée au plus tard le 19 juin 2013.
Selon l’article 2241 alinéa premier du code civil, la demande en justice,
même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de
forclusion. L’effet interruptif de prescription attaché à une demande en
justice ne s’étend pas à une seconde demande différente de la première par
son objet. Si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre
d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien
qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but. En l’espèce,
la SARL L’Anneau a, le 29 février 2012 assigné le Crédit agricole en nullité
du prêt en se prévalant de l’illicéité du démarchage puis, par des conclusions
déposées le 3 avril 2014, la SARL L’Anneau a également demandé au
tribunal de prononcer la nullité du prêt, au motif de l’obligation de
remboursement en francs suisses. Comme déjà indiqué, il s’agit d’une seule
et même prétention d’annulation du prêt. En effet, l’objet des demandes est
identique : il s’agit d’obtenir le prononcé de la nullité du prêt, la SARL
L’Anneau ayant simplement, par ses conclusions déposées le 3 avril 2014,
invoqué des moyens supplémentaires afin d’étayer sa prétention. Par suite,
l’assignation du 29 février 2012 a interrompu la prescription de la demande
en nullité du prêt quel qu’en soit le fondement. En conséquence, il convient
de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande »
(arrêt pp. 19 à 21);
Alors, d’une part, que l'effet interruptif de prescription attaché à une
demande en justice ne s'étend pas à une seconde demande différente de
la première par sa cause, à moins que l’une et l’autre aient le même objet
parce qu’elles poursuivent un seul et même but de sorte que la seconde est
virtuellement comprise dans la première ; que pour décider, en l’espèce, que
l’assignation du 29 février 2012 avait « interrompu la prescription de la
demande en nullité du prêt quel qu’en soit le fondement », l’arrêt attaqué
retient qu’en sollicitant successivement la nullité du prêt pour violation des
                 


                                                                               11                                                                          748



règles sur le démarchage et l’annulation du prêt en raison de l’illicéité de
l’obligation de remboursement en francs suisses, la SARL L’Anneau,
demanderesse, n’avait formulé, en réalité, qu’« une seule et même
prétention d’annulation du prêt », dès lors que l’objet de ces demandes était
« identique », et qu’elle avait ainsi « simplement, par conclusions déposées
le 3 avril 2014, invoqué des moyens supplémentaires afin d’étayer sa
prétention initiale » ; qu’en statuant ainsi, par des motifs radicalement
inopérants, dès lors qu’ils n’établissaient pas que la demande de nullité
fondée sur la stipulation d’une clause monnaie étrangère illicite formée par
la SARL L’Anneau le 3 avril 2014 était virtuellement comprise dans sa
demande formée le 29 février 2012 en vue du prononcé de la nullité du prêt
pour violation des règles sur le démarchage, la cour d’appel n’a pas
légalement justifié sa décision au regard de l’article 2241 du code civil,
ensemble l’article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à
l’ordonnance du 10 février 2016;
Alors, d’autre part, en tout état de cause, que si l’anéantissement du contrat
par son annulation constitue l’objet immédiat d’une action en nullité fondée
sur l’illicéité d’une de ses clauses, cette nullité, qui n’est prévue par aucun
texte, ne constitue pas l’objet immédiat d’une action fondée sur les règles
sanctionnant des actes de démarchage illicite ; que pour rejeter la fin de
non-recevoir fondée sur la prescription de la demande de nullité du prêt
fondée sur l’obligation de remboursement en francs suisses, l’arrêt retient
que l’objet de cette demande, formée par la SARL L’Anneau devant le
tribunal par conclusions du 3 avril 2014, était identique à celui de la
demande dont ils l’avaient saisi initialement, par assignation du
29 février 2012, sur le fondement des règles sanctionnant le démarchage
illicite, et en déduit que « l’assignation du 29 février 2012 avait interrompu la
prescription de la demande en nullité du prêt quel qu’en soit le fondement » ;
qu’en statuant ainsi, cependant que les deux demandes formées, par la
SARL L’Anneau, l’une en vue de faire sanctionner des actes de démarchage
illicite, l’autre en vue de prononcer la nullité du prêt pour illicéité d’une de ses
clauses, n’avaient pas le même objet et ne pouvaient constituer « une seule
et même prétention d’annulation du prêt », la cour d’appel, qui n’a pas tiré
les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 2241
du code civil, ensemble l’article 1304 du code civil dans sa rédaction
antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé la nullité du prêt
consenti par la CRCAM de Lorraine à la SARL L’Anneau ;



                                                                               12                                                                          748



Aux motifs que « Dans les contrats internes, la clause obligeant le débiteur
à payer en monnaie étrangère est nulle et de nullité absolue car portant
atteinte au cours légal de la monnaie. En l'espèce, il est constant que le
contrat litigieux est un contrat interne, s'agissant d'un prêt conclu entre des
parties toutes domiciliées en France, destiné à financer une opération faite
en France, dont les capitaux prêtés étaient mis à disposition en France et
dont les remboursements devaient s'effectuer également dans ce pays.
Selon le contrat, le crédit, désigné sous l'intitulé « opération devise MLT »,
portait sur la contre-valeur en francs suisses d'une certaine somme en
euros, assorti d'un taux d'intérêt révisable, et remboursable par des
échéances égales à la contre-valeur en francs suisses de certaines sommes
en euros. Le contrat stipulait : au titre de la réalisation : Le montant de la
devise figurant dans l'offre sera vendu sur le marché des changes au cours
du jour de la réalisation. Sa contre-valeur en EUR sera portée au crédit du
compte en EUR de l'Emprunteur ou au nom du notaire chargé d'authentifier
le présent acte, deux jours ouvrés après cette cession, conformément aux
usages bancaires ; au titre du remboursement du capital : L'EMPRUNTEUR
s'oblige à rembourser au PRETEUR le présent prêt selon les modalités
prévues aux conditions particulières. Le remboursement s'opérera à chaque
échéance par l'achat de devises au comptant sur le marché des changes ;
le PRETEUR porte alors la contre-valeur en euros au débit du compte de
l'EMPRUNTEUR. Le cours de change est celui de la devise concernée deux
jours ouvrés de bourse avant la date de l'échéance (délai de mise à
disposition des devises sur le marché des changes) ; au titre du
remboursement anticipé : Les remboursements anticipés s'effectueront dans
la devise figurant dans l'offre: Par utilisation de devises préalablement
disponibles sur le compte en Devises de l'Emprunteur. L'approvisionnement
du compte en Devises devra être effectué au plus tard trois jours ouvrés
avant la date de remboursement anticipé. Ou à défaut, par achat de devises
au comptant ou à terme par débit du compte en EUR de l'Emprunteur. Il
supportera donc intégralement en cas d'achat de devises au comptant ou à
terme, le risque de change; au titre des dispositions particulières : Il est
expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par
l'EMPRUNTEUR, conformément aux dispositions de la réglementation des
changes et qu'en conséquence le présent prêt ne pourra faire l'objet d'une
couverture de risque de change par achat à terme par l'EMPRUNTEUR, du
capital à rembourser et des intérêts à régler, que dans Ta mesure où la
réglementation des changes l'autorise. Il reconnaît à cet égard avoir reçu
une notice du PRETEUR l'avisant du risque particulier lié à ce type de prêt.
Le PRETEUR donnera suite à tout moment à une demande de
remboursement anticipée à condition pour l'EMPRUNTEUR d'acquitter les
frais et le coût financier de l'opération, qui ne pourront lui être communiqués
que lors de la demande, et pour autant que la réglementation des changes
le permette. Pendant la durée du prêt, l'EMPRUNTEUR pourra demander à
l’issue de chaque période que l'emprunt soit converti dans une monnaie



                                                                              13                                                                           748



étrangère autre que celle initialement choisie, à condition d'en informer le
PRETEUR vingt jours avant cette échéance. Dans l'hypothèse où, à l'issue
d'une période, la devise empruntée n'est plus disponible sur le marché
international pour une raison quelconque, le PRETEUR en avisera
immédiatement l'EMPRUNTEUR, qui l'autorise d'ores et déjà à choisir une
autre devise disponible dont les conditions d'emprunt sont les plus proches
de la devise initialement empruntée. Le PRETEUR établira tout
compte-rendu requis par la réglementation des changes destinée à la
Direction du Trésor. Il résulte en outre : des courriers du Crédit Agricole
adressés à la SARL L'Anneau lors des mises en place du prêt et en cours
d'exécution de celui-ci que les échéances à prélever étaient libellées en
francs suisses et que le Crédit Agricole avertissait l'emprunteur que son
compte en devises devait être approvisionné avant une certaine date pour
permettre le paiement des échéances ; des avis de débit du compte en
euros de la SARL L'Anneau qui sont produits, que l'échéance, libellée en
francs suisses, donnait lieu à l'indication d'une contre-valeur en euros
suivant le cours de change appliqué et d'une commission de change, le net
débité en euros étant égal à la contre-valeur en euros majorée de la
commission de change ; des relevés du compte en euros de la SARL
L'Anneau auprès du Crédit Agricole, que les échéances des prêts étaient
prélevées sur ce compte avec prélèvement de commissions de change ; du
tableau récapitulatif du prêt établi par le Crédit Agricole : qu'une opération
de change a été effectivement pratiquée pour le paiement de chaque
échéance. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le paiement des
échéances, libellées en francs suisses, devait être opéré en devises soit par
l'utilisation des devises figurant au compte en devises ouvert au nom de
l'emprunteur, soit par l'achat des devises nécessaires par le biais de son
compte en euros conformément à la clause intitulée « remboursement du
capital » qui apparaît s'appliquer aussi au remboursement des intérêts, à
défaut de toute stipulation propre au paiement des intérêts et compte tenu
de la mention “à chaque échéance”, ce que démontrent les avis d'échéance
à venir, les avis de débit du compte en euros, les opérations de change
indiquées sur le tableau du Crédit Agricole et la facturation ainsi que le
prélèvement de commissions de change sur ce compte en euros. Il suit de
là que pour assurer le paiement des échéances, l'emprunteur devait ou
alimenter son compte en devises, en achetant au besoin par lui-même les
devises nécessaires et en les déposant sur ce compte, ou en les faisant
acheter par la banque par débit de son compte en euros. L'acquisition
impérative de devises par le biais du compte en euros de l'emprunteur faute
de devises sur le compte correspondant démontre que le prêt n'était
remboursable qu'en monnaie étrangère, car si le prêt avait pu être
remboursé en euros, il aurait suffi de débiter le compte en euros de
l'emprunteur sans que celui-ci ait à supporter l'achat de devises et l'opération
de change correspondante. Il apparaît ainsi dans tous les cas que
l'emprunteur était obligé à un remboursement en monnaie étrangère. Quant



                                                                          14                                                                               748




au remboursement anticipé, il était expressément prévu comme devant
intervenir en devises étrangères, soit par débit du compte en devises, soit
par achat des devises nécessaires par débit du compte en euros. Il convient
encore de noter que la seule demande de conversion des prêts prévue au
bénéfice de l'emprunteur consistait à solliciter une conversion dans une
autre monnaie étrangère. Il s'évince de ce qui précède que le franc suisse
a été utilisé comme monnaie de paiement du prêt en cause et que,
contrairement à ce que soutient le Crédit Agricole, l'emprunteur n'avait pas
le droit de se libérer à son choix en euros mais devait impérativement le faire
en francs suisses. Le prêt litigieux comporte donc une clause espèces
étrangères, laquelle est frappée de nullité absolue s'agissant d'un contrat
interne. Elle a pour effet d'entraîner la nullité de l'ensemble du contrat de
prêt car il s'agit d'une clause déterminante du contrat sans laquelle celui-ci
n'aurait pas été conclu. Il convient donc de prononcer la nullité du contrat de
prêt, le jugement étant confirmé en ce sens » (arrêt pp. 21 et 22).
Alors, premièrement, que dans l’ordre interne, un contrat de prêt ayant pour
objet la contre-valeur en francs suisses d’une certaine somme en euros et
remboursable par des échéances égales à la contre-valeur en francs suisses
de certaines sommes en euros est valable dès lors que l’emprunteur
conserve la faculté d’acquitter sa dette dans la monnaie légale ; qu’en
l’espèce, après avoir constaté que le crédit consenti par la CRCAM de
Lorraine à la SARL L’Anneau portait sur la contre-valeur en francs suisses
d’une certaine somme d’argent en euros et que son remboursement devait
s’effectuer dans cette devise, « soit par l’utilisation de devises préalablement
disponibles sur le compte devises de l’emprunteur », soit, « par l’achat de
devises nécessaires par le biais de son compte en euros conformément à
la clause intitulée remboursement du capital », l’arrêt, pour annuler le contrat
de prêt sous prétexte qu’il aurait abrité une clause espèces étrangères
illicite, retient que « l'acquisition impérative de devises par le biais du compte
en euros de l'emprunteur faute de devises sur le compte correspondant
démontre que le prêt n'était remboursable qu'en monnaie étrangère, car si
le prêt avait pu être remboursé en euros, il aurait suffi de débiter le compte
en euros de l'emprunteur sans que celui-ci ait à supporter l'achat de devises
et l'opération de change correspondante » (arrêt p. 22, § 3); qu’en statuant
ainsi, cependant que la charge du coût de l’opération de change réalisée par
la banque en cas de remboursement du prêt ou de ses échéances par débit
du compte en euros de l’emprunteur était inhérente à l’objet du prêt, libellé
en devises étrangères, la cour d’appel, qui s’est fondée sur des motifs
impropres à établir qu’en l’espèce, l’emprunteur n’aurait pas eu le droit de se
libérer à son choix en euros mais devait impérativement le faire en francs
suisses, n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 6 du
code civil; 


                                                                        15                                                                                 748



Alors, deuxièmement, que le juge ne peut dénaturer le sens et la portée de
l’écrit qui lui est soumis ; qu’en l’espèce, le contrat de crédit « opération
devise MLT » souscrit par la SARL L’Anneau (cf. prod. 4) disposait, au titre
du « remboursement du capital », que « le remboursement s’opérera à
chaque échéance par l’achat de devises au comptant sur le marché des
changes », le prêteur portant « alors la contre-valeur en euros au débit du
compte de l’emprunteur », d’autre part, « au titre du remboursement
anticipé », que « les remboursements anticipés s’effectueront dans la devise
figurant dans l’offre par l’utilisation de devises préalablement disponibles sur
le compte en devises de l’emprunteur ou, à défaut, par achat de devises au
comptant ou à terme, par débit du compte en euros de l’emprunteur »
(contrat de prêt, p. 4) ; qu’en estimant que ces dispositions imposaient
« dans tous les cas » à l’emprunteur « un remboursement en monnaie
étrangère » (arrêt p. 22, § 2), cependant que l’acquisition impérative de
devises pour rembourser le prêt n’affectait pas la faculté de l’emprunteur de
payer sa dette en euros, faculté que les termes clairs et précis des clauses
susvisées lui offraient nécessairement dès l’instant où les sommes destinées
à cet achat étaient débitées sur son compte en euros, la cour d’appel, qui en
a dénaturé le sens et la portée, a violé l’article 1134 du code civil, dans sa
rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;
Alors, troisièmement, et en tout état de cause, que dans un prêt ayant pour
objet une devise étrangère, l’inscription, au débit du compte en euros de
l’emprunteur, de la contrevaleur en euros du montant mis à sa disposition
par le prêteur dans cette devise, en vue de l’achat par la banque de devises
au comptant ou à terme, éteint la créance de la banque et libère le débiteur ;
qu’en l’espèce, pour annuler le contrat de prêt litigieux, l’arrêt attaqué retient
que « l'acquisition impérative de devises par le biais du compte en euros de
l'emprunteur faute de devises sur le compte correspondant démontre que le
prêt n'était remboursable qu'en monnaie étrangère, car si le prêt avait pu
être remboursé en euros, il aurait suffi de débiter le compte en euros de
l'emprunteur sans que celui-ci ait à supporter l'achat de devises et l'opération
de change correspondante » (arrêt p. 22, § 3); qu’en statuant ainsi, après
avoir pourtant constaté que l’objet du prêt avait été libellé en francs suisses,
ce dont il résultait que son remboursement par débit du compte en euros de
l’emprunteur du montant nécessaire à l’achat de devises valait paiement de
la créance de la banque, et qu’un tel paiement, dans cette occurrence, était
bien effectué dans la monnaie légale, la cour d’appel, qui n’a pas tiré de ses
propres constatations les conséquences qui s’en évinçaient, a violé les
articles 1134 et 1243 du code civil, dans leur rédaction antérieure à
l’ordonnance du 10 février 2016.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la SARL L’Anneau à
payer à la CRACM de Lorraine la somme de 525 000 euros avec intérêts au
taux légal à compter du jugement;


                                                                              16                                                                           748



Aux motifs que « la nullité ayant un effet rétroactif, elle implique de remettre
les parties dans l'état où elles étaient avant l'acte. Elle entraîne donc
l'obligation pour chacune des parties de restituer l'intégralité des prestations
qu'elle a déjà reçues. En conséquence, il convient de condamner le Crédit
Agricole à restituer à la SARL L'Anneau la somme de 70 257,37 euros au
titre des sommes perçues arrêtées au 7 octobre 2015 correspondant aux
échéances et aux commissions de change, selon les relevés de compte et
l'arrêté de compte versés aux débats, ladite somme n'étant contredite par
aucun élément invoqué ou produit par le Crédit Agricole. Réciproquement,
la SARL L'Anneau est tenue de restituer la somme reçue par elle de la
banque. Le contrat de prêt étant nul en son ensemble, il n'y a pas lieu de
s'attacher pour déterminer la restitution due par l'emprunteur aux stipulations
du contrat puisque celui-ci est censé n'avoir jamais existé et qu'il ne saurait
donc être donné effet à l'une quelconque de ses clauses. Il suit de là que
quand bien même le prêt porte sur la contrevaleur en francs suisses d'une
somme en euros selon le contrat, cette circonstance est indifférente au
regard du régime des restitutions qui s'apprécie en fonction des prestations
reçues de part et d'autre, soit, pour l'emprunteur, compte-tenu des sommes
qu'il a perçues. Cette somme correspond aux fonds dont la SARL L'Anneau
a concrètement bénéficié de la part du Crédit Agricole, soit ceux qui ont été
crédités en sa faveur qui apparaissent avoir été inscrits sur son compte en
euros pour un montant total non contesté de 525 000 euros. Certes, les avis
de mise en place du crédit mentionnent que chacune des sommes au fur et
à mesure libérée est la contre-valeur en euros d'une somme en francs
suisses par suite d'une opération préalable de change faite par la banque.
Mais ces sommes en francs suisses ne sauraient représenter la mesure de
l'obligation de restitution de la SARL L'Anneau puisque la mise à disposition
des fonds entre les mains de l'emprunteur traduite par l'inscription en compte
a été faite en euros et que l'obligation de restitution ne porte que sur ce qui
a été versé et reçu, soit le quantum des euros perçus par la SARL L'Anneau.
En conséquence, la nullité du prêt oblige cette dernière à payer au Crédit
Agricole la somme de 525 000 euros (…) » (arrêt p. 22-23) ;
Alors, premièrement, qu’en application de l’article 624 du code de procédure
civile, la censure prononcée, sur le fondement du premier moyen, du chef
de l’arrêt ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la
demande de nullité du prêt fondée sur l’obligation de remboursement en
francs suisses, ou, sur le fondement du deuxième moyen, du chef de l’arrêt
prononçant la nullité du prêt, entraînera, par voie de conséquence, celles de
ses dispositions statuant sur les conséquences de l’annulation du prêt ;
Alors, subsidiairement, deuxièmement, que la nullité d’un contrat de prêt
dont l’objet a été défini en monnaie étrangère impose à l’emprunteur de
restituer au prêteur le montant du principal stipulé et mis à sa disposition
dans la devise de l’emprunt, ou sa contrevaleur en euros au jour de la
restitution ; qu’en décidant, en l’espèce, que la SARL L’Anneau n’était
redevable, au titre des restitutions consécutives à l’annulation du prêt, que



                                                                             17                                                                            748



des fonds « inscrits sur son compte en euros pour un montant total non
contesté de 525 000 euros », après avoir pourtant constaté que le contrat de
prêt litigieux « portait sur la contre-valeur en francs suisses d’une certaine
somme en euros selon le contrat » (arrêt p.23, § 3) et que les avis de mise
en place du crédit mentionnaient que les fonds inscrits sur le compte en
euros de l’emprunteur correspondaient à « la contre-valeur en euros d’une
somme en francs suisses par suite d’une opération préalable de change faite
par la banque » (arrêt p. 23, § 4), ce dont elle aurait dû déduire que la
banque, ayant mis à disposition de l’emprunteur une somme libellée en
francs suisses, et non pas une somme en euros indexée sur le Franc suisse,
était fondée, consécutivement à l’anéantissement rétroactif du prêt, à obtenir
la restitution du montant principal du prêt dans cette devise, ou sa
contrevaleur en euros au jour de la restitution, la cour d’appel a violé le
principe selon lequel ce qui est nul est réputé n’avoir jamais existé ;
Alors, subsidiairement, troisièmement, que l’obligation de restituer les fonds
prêtés inhérente à un contrat de prêt annulé demeure tant que les parties
n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de leur convention
anéantie ; que pour décider que l’annulation du prêt imposait à l’emprunteur
de restituer, non pas des francs suisses éventuellement convertis en euros
en fonction du cours du change en vigueur au jour de la restitution, mais le
quantum des sommes inscrites sur son compte en euros lors de la mise à
disposition, l’arrêt attaqué, après avoir énoncé que « le contrat de prêt étant
nul dans son ensemble, il n’y a pas lieu de s’attacher, pour déterminer la
restitution due par l’emprunteur, aux stipulations du contrat, puisque celui-ci
est censé n’avoir jamais existé et qu’il ne saurait donc être donné effet à
l’une quelconque de ses clauses », en déduit « qu’il suit de là que, quand
bien même le prêt porte sur la contre-valeur en francs suisses d’une somme
en euros selon le contrat, cette circonstance est indifférente au regard du
régime des restitutions, qui s’apprécie en fonction des prestations reçues de
part et d’autre, soit pour l’emprunteur, compte-tenu de la somme qu’il a
perçue » (arrêt p. 23, § 3); qu’en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté
que le crédit consenti par la CRCAM de Lorraine à la SARL L’Anneau
« portait sur la contre-valeur en francs suisses d’une certaine somme en
euros, assorti d’un taux d’intérêt révisable et remboursable par des
échéances égale à la contre-valeur en francs suisses de certaines sommes
en euros » (arrêt p. 21, § 5), ce dont il s’évinçait que l’obligation de
remboursement inhérente au contrat de prêt annulé portait sur un quantum
de francs suisses et qu’il en allait, partant, nécessairement de même de
l’obligation de restitution que l’annulation du prêt avait laissé subsister, sans
en affecter l’objet, la cour d’appel a derechef violé, par fausse application,
le principe selon lequel ce qui est nul est réputé n’avoir jamais existé ;
Alors, subsidiairement, enfin, que les avis de mise en place du crédit en
devises (prod. 5) mentionnaient que chacune des sommes portées au crédit
du compte de l’emprunteur par suite d'une opération préalable de change
faite par la banque constituait « la contre-valeur nette », en euros, d'un


                                                                            18                                                                             748



certain montant défini en Francs suisses ; qu’en retenant que cette somme
en francs suisses ne pouvait « représenter la mesure de l’obligation de
restitution de la SARL L’Anneau », dès lors que « la mise à disposition des
fonds entre les mains de l’emprunteur traduite par l’inscription en compte »
avait été « faite en euros » et que l’obligation de restitution ne portait que sur
ce qui avait « été versé et reçu, soit le quantum des euros perçus par la
SARL L’Anneau » (arrêt p. 23, § 4), là où il résultait des termes clairs et
précis des avis de mise en place du crédit que le quantum des euros perçus
par l’emprunteur constituait la contre valeur en euros d’une somme libellée
en francs suisses et que c’est donc cette somme libellée en francs suisses
qui lui était remise par la banque, la cour d’appel les a dénaturés et a violé
l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du
10 février 2016.

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